Les Cabotans d'Amiens,

Toute une histoire...

Chronologie
Théâtre, marionnettes et Cabotans d’Amiens
Sous le nom de Cabotans, les marionnettes à tringle et à fils sont, avec la cathédrale, les deux joyaux du patrimoine populaire amiénois. Elles trouvent leur origine et leur répertoire dans le théâtre.  

Du XIIe au XVIIIe siècle, la foire de la Saint-Jean attire à Amiens des populations nombreuses et diverses, qui apprécient les montreurs ambulants : joués par des marionnettes, farces, mystères et histoire sainte trouvent un public différent. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les échevins voient se multiplier les demandes d’autorisation de montrer des spectacles de marionnettes. L’arrivée des marionnettes napolitaines introduisent avec Polichinelle, paysan grotesque et facétieux, des personnages plus populaires, tout droit venus de la commedia dell’arte. 

Au XIXe siècle, de nombreux théâtres de cabotans s’installent de façon permanente à Amiens et peuvent accueillir jusqu’à 200 spectateurs. Une sédentarisation qui consolide aussi la structure du spectacle lui-même :  

- on invite d’abord Polichinelle ;  

- succède un drame, inspiré par les œuvres théâtrales du moment : Le bossu ;
Les deux orphelines ; Marceau ou les enfants de la République ; La porteuse de pain ;  


 - l’ensemble s’achève par une bouffonnerie qui trouve son héros en la personne de Lafleur :  Lafleur soldat ; Lafleur chez les Turcs. 

Pour les grandes occasions, des métamorphoses, l’introduction de fantoches (marionnettes exotiques, danseurs chinois) ou un point de vue marquent la fin du spectacle.  

 C’est en ce siècle que se construit et se confirme le personnage de Lafleur : vêtu en laquais du XVIIIe - costume de velours rouge, chemise à jabot, bas rayés de rouge et blanc et tricorne, le plus souvent –, c’est un esprit libre, frondeur et bon vivant ; à coups de pied et coups de gueule, son franc parler exprime en picard tant son goût de vivre que ses querelles avec les cadoreux (gendarmes).
Ce personnage populaire devient l’emblème d’Amiens et du quartier Saint-Leu que Charles Caron décrit (« Un siècle de Théâtre de Cabotins à Amiens », 1930)  

Théâtre du Franc Picard : Casimir Clabaut dit Jacharie et son fils Albert, vers 1880
« Ch’timpérameint, ch’caractère picard, individuel’meint caustique, gueulard, bonnasse, boein tchoeur…d’voit eingeindrer un Lafleur picard ! »
1933, Maurice Domon, père des Cabotans
Après la Première Guerre mondiale, alors que l’intérêt grandit pour la tradition de la langue et de la culture picardes, les théâtres de marionnettes, concurrencés par l’arrivée du cinématographe ferment les uns après les autres.  
C’est la société savante des « Rosatis picards » qui va soutenir les cabotans, représentants de l’identité régionale. Afin de  poursuivre et développer la tradition de la marionnette picarde, deux passionnés, René Villeret et Maurice Domon fondent en 1930 « La Société des amis de Lafleur ».
  
En 1933, pour enraciner plus encore les cabotans dans la culture populaire, Maurice Domon fonde sa propre troupe : « Chès cabotans d’Amiens ». plus encore, il va faire rayonner ce patrimoine culturel picard de Paris à Londres, Liège, Rome ou Karlovy-Vary. 

Animateur, acteur, il écrit de nombreuses pièces du répertoire. Dans les bouffonneries comme dans les drames plus classiques ( Les Brigands de la forêt noire), Lafleur occupe chaque fois une place de choix. Dans « Mazarin », s’il traite avec le cardinal, il continue à rosser les gendarmes. 

Il entoure Lafleur d’une véritable galerie de portraits : aux côtés de Lafleur se tiennent Sandrine, compagne énergique toujours positive et Tchot Blaise, jeune compagnon fidèle (comme le Kid auprès de Charlot) ; Papa Tchutchu, le rentier propriétaire souvent secoué par le héros vengeur ; quant aux gendarmes et autres représentants de l’autorité… c’est dans la fuite qu’ils s’épanouissent.  

Jusqu’en 1962, la troupe sillonne les quartiers amiénois et les routes de Picardie où elle entretient la vivacité de la culture picarde.  

Municipalisé en 1965 sur avis du Ministre de la Culture (délibération du Conseil Artistique de la Réunion des Musées Nationaux du 15 novembre 1965) et consacré le 5 février 1967, théâtre et marionnettes sont confiés au musée de Picardie. Chès cabotans devient Théâtre de Marionnettes Permanent de la ville d'Amiens.
Maurice Domon, Lafleur et Tchot Blaise, vers 1933
1966, Françoise Rose et l’héritage des Cabotans
Les années 60 marque le début d’une autre histoire. Toujours passionné, Maurice Domon fonde une nouvelle troupe. Il forme aux marionnettes de jeunes comédiens, élèves de la classe d'Art Dramatique du Conservatoire d'Amiens : Françoise Rose sera Sandrine et Jean Bernard Dupont, Lafleur. 

En 1969, il confie la destinée des cabotans à la comédienne Françoise Rose.

En 1982, la Ville confie la gestion du théâtre à l'Association "Théâtre d'Animation Picard", créée en juillet 1977.  

C’est dans ce cadre que, pendant plusieurs décennies, Françoise Rose et Jacques Auvet vont perpétuer, prolonger et enrichir l’œuvre du créateur de « Chès cabotans d’Amiens ».
Jacques Auvet, Jacques Labarriere, Jean-Jacques Nasoni, Françoise Rose et Jacques Varlet ajoutent au répertoire des textes nouveaux et des créations musicales comme
La Boîte à Joujoux de Claude Debussy et Pierre et le Loup de Serge Prokofiev.  

De gauche à droite :
Françoise Rose-Auvet, Jacques Auvet et Guislain Rose

1997, un lieu pour les cabotans

Reconnus, soutenus par les financements de la Ville d'Amiens, le Conseil Général de la Somme, le Conseil Régional de Picardie et l'Union Européenne, les Cabotans s’installent.
En 1997, un théâtre leur est dédié au 31 de la rue Edouard David, en plein cœur du quartier Saint-Leu, le vieux quartier populaire d'Amiens dont Lafleur est le héros.  

Du XVIIIe au XXIe siècle, du théâtre de marionnettes populaire à l’héritage du théâtre classique, Chès cabotans d’Amiens a su créer ce trait d’union entre des groupes sociaux différents, des enfants des écoles aux anciens toujours amoureux des marionnettes, du peuple de Saint-Leu aux défenseurs de la marionnette traditionnelle, de la langue et du patrimoine picards.